Source : Le Moulin de Chaves
Retour amusé d’une retraite en silence (temps de lecture 5 minutes chrono en main)
Me voici de retour d’une retraite de 5 jours en silence dans le sud de la France animée par Pascal Auclair, assisté de Gwenola Herbette et j’ai l’élan de profiter que cette expérience reste fraiche dans mon esprit et mon cœur pour vous en partager quelques enseignements.
Qu’ils durent 45 minutes, une journée ou 5 jours, nous pouvons tous nous reconnecter au gout et la texture de nos apprentissages.
Dans la forme, c’est assez simple : assise, marche, assise, marche, assise, repas puis de nouveau assise, marche, assise, marche, repas et au dodo ;-). Vous l’aurez compris de 7h à 22h, nous nous ne faisons en apparence pas grand-chose dans ses retraites. Je ne prendrais plus de temps ici pour décrire comment la forme, à priori dénuée d’intérêt est finalement au cœur du fond et de l’intention de la retraite. Je pourrais néanmoins synthétiser en disant qu’à force de ne rien faire et prêter attention, nous commençons à voir profondément les choses présentes, jusqu’alors non vues, ou très en surface.
Sur le fond donc, c’est plus croustillant. Nous pourrions baptiser ces retraites comme des moments « d’entrainement perceptif sur la nature des choses ou un désapprentissage de ce que nous pensons savoir sur la nature des choses. Je m’explique. »
Pendant ces heures d’entrainement nous orientons notre attention avec délicatesse, soin et engagement sur des phénomènes simples : ce pas, ce souffle, ce son, cette sensation puis cette émotion, cette humeur,… moment après moment. Autrement dit nous tentons d’entrer en contact avec le phénomène, et d’y rester, d’y demeurer de notre mieux.
Le fait de « faire » cela suffisamment longtemps et à de nombreuses reprises sur un phénomène donné, nous rend accessible ce que ce phénomène est vraiment. Et notamment nous découvrons « live » que ce pas, par exemple, est de nature éphémère, qu’il ne dure pas. C’est le cas de ce souffle, cette sensation, ce son et plus fort encore, cette émotion ! Non, là tu vas trop loin Emmanuel 😉
Alors il n’y a qu’un pas pour dire que chaque expérience que nous vivons est éphémère, impermanente, en tout cas de la perspective de l’être humain. Cette colère, cette tristesse, cet ennui, non, rien ne durerait.
Personnellement, pendant cette retraite, c’est l’ennui et la frustration qui m’ont rendu visite le plus souvent. Pour l’ennui, je me rappelle très bien. Alors que le bol de Pascal sonne pour nous informer la fin du pratique assise de 45 minutes et le début d’une pratique de marche de 45 minutes, l’ennui s’est invité.
Voilà qu’un feu d’artifice de pensées, au début non conscient, débute :
- « Ah non, pas ça, là c’est trop pour moi. Faut pas déconner quand même. »
- « C’est pas humain son truc ! »
- « C’est trop chiant »
- « C’est bon, je sais ce que c’est la marche, je pratique depuis plus de 10 ans, j’ai pratiqué des milliers d’heures » (pas assez à priori ;-))
- « Je vais aller faire un tour aux toilettes, personne ne le verra »
Bref vous imaginez bien la scène, je suis certain que cela vous parle !
Et là, certainement par (nouvelle) habitude, une autre pensée arrive, comme une idée :
« Eh tiens, si tu regardais à quoi ressemble l’ennui ! De toute façon aux toilettes ou sur l’herbe a marcher, tu vas les vivre les 45 prochaines minutes. Alors autant rendre cela utile.»
Une aventure épique a alors débuté : « A la découverte de l’ennui oublié ». Ça sonne un peu comme le titre du nouvel épisode d’Indiana Jones, non ?
Mais vraiment c’est incroyable de voir comment cette expérience était riche, dans le corps, les textures, les ambiances intérieures, le cœur. C’est dingue surtout de voir comment ce moment redouté a changé radicalement. C’était même un moment excitant, riche, comme transformé par la curiosité et la pleine conscience…jusqu’à sa disparition, trop tôt même ;-).
J’entends déjà certain dire « il lui faut aller en retraite pour découvrir que l’ennui ne dure pas ? Pas très écolo tout ça 😉 »
Et bien en fait oui, nous avez raison ! Les neurosciences nous montrent en quoi comprendre intellectuellement est un chose, éprouver dans le corps live le phénomène en est une autre. Plus précisément c’est le fait de faire régulièrement l’expérience de l’impermanence d’un phénomène (ici l’ennui) que notre perception en est profondément transformée et que nous ajusterons alors à terme sans même le savoir notre comportement dans les moments où le dit phénomène émerge. Entrainement perceptif de la nature des choses ! CQFD 😉 De la réactivité reptilienne non adaptée vers plus de lucidité et de justesse dans les choix, les actes.
Pour la petite histoire, c’est écolo aussi d’ailleurs. Je suis dans le train alors que je rédige ce papier et à quelques sièges de moi, j’entends un jeune homme dire : « Je m’ennuie je vais manger un morceau au bar ! » Véridique ;-). CQFD bis.
Alors cette nouvelle préhension enracinée, incarnée peut, après une retraite, un MBSR ou une pratique à la maison, s’inviter dans nos vies alors que nous sommes plus en capacité à rester avec l’inconfort de la situation sans être guidé par cette ancienne perception erronée sur l’ennui, la peur ou plus généralement l’inconfort. « Ça va durer pour toujours, je dois faire qq chose 😉 » : manger, consommer, réagir, …
Quelle perspective nouvelle pour notre vie, nos relations, nos choix. C’est la porte ouverte à plus de clarté, de lucidité et de liberté dans un contexte sociétal et environnemental si complexe et stimulant.
Ne nous vous inquiétez pas, je n’ai rien spoilé (divulgaché) des retraites ou de la pratique de la pleine conscience ! La valeur des propos précédents ne réside pas dans leur lecture mais dans le fait d’expérimenter, live 😉
Alors à bientôt lors d’une de nos deux retraites (juin et juillet) ou les prochains moments de pratiques.
- Retraite d’été : Trouver le confort dans l’inconfort – juillet 2022
- Retraite de femmes : juin 2022
- La Médit Matinale de femmes
- La Médit’ des Diplômé.e.s
Belle journée
Prenez soin de vous puis du monde.
Emmanuel